Bonjour,
Je compte une bonne centaine de photos de martin-pêcheur sur mon disc dur (et j'en ai sûrement supprimé 5 fois plus).
Contrairement à ce que pensent beaucoup de personnes, c'est un oiseau relativement simple à photographier, pour peu qu'on s'en donne un peu les moyens.
En effet, le repérage est une des phases cruciales pour obtenir de bonnes photos de ce magnifique oiseau. En résumé, voici les étapes à respecter :
1-
Plusieurs séances de repérages avec une paire de jumelles. Le martin-pêcheur est présent un peu partout le long de nos cours d'eau et aux abords des étangs. Il apprécie particulièrement les secteurs avec berges abruptes où il peut creuser son nid ... mais aussi les endroits où des branches surplombent l'eau. Cela lui fait de bon perchoirs pour repérer ses proies. Les bras morts de rivières sont en général très fréquentés car très encombrés par la végétation.
Bref, il faut savoir que le martin-pêcheur est très territorial et s'arrête régulièrement sur les mêmes perchoirs. Il est donc important de repérer à quels endroits il se poste pour pêcher, assommer ses proies (avant de les avaler, il assomme ses proies contre une branche puis les mange, tête en premier), faire sa toilette, ...etc.
Le martin-pêcheur est assez simple à repérer lorsqu'il est en vol puisqu'un cri très aigu le trahit. On entend donc souvent son cri avant de voir passer quelques secondes plus tard une flèche bleue métallique.
Avant de sortir le matériel photo, il est donc nécessaire de faire de nombreuses sorties avec les jumelles pour repérer les zones de fréquentations du martin-pêcheur, les heures auxquelles il est le plus actif, les endroits accessibles pour un futur affût, ...etc. Lors de ces séances de repérage, il faut aussi prendre en compte la luminosité. Si un endroit est bien fréquenté par un martin-pêcheur mais qu'il est constamment à l'ombre, les photos ne pourront pas être réussies. Un endroit en plein soleil de midi n'est pas mieux : la lumière sera trop dure et les photos seront alors sur-exposées.
2-
Préparer l'affût / placer un perchoir : Des photos de martin-pêcheur, ça ne s'improvise pas. Il faut mettre en place un affût. Mais on ne place pas l'affût n'importe où. L'emplacement de l'affût conditionne la réussite ou non des photos. Il faut bien sûre prendre en compte la fréquentation du lieu par l'oiseau, mais aussi la luminosité, la direction du soleil, la distance entre l'affût et le perchoir fétiche de notre boule de plumes ... tout ça en fonction du matériel photo dont on dispose. Un perchoir situé à 6-8 mètres de l'affût sera un peu loin pour un 300mm mais conviendra parfaitement à un 500mm.
En ce qui concerne l'affût en lui-même, il ne faut pas se casser la tête. En ce qui me concerne, j'utilise un simple filet de camouflage tendu entre 2 arbres et dans lequel j'ai fait un trou pour laisser passer l'objectif. Pour parfaire le camouflage, on peut insérer de la végétation dans les mailles du filet (j'aime particulièrement les fougères ou branches de tuyas séchées car c'est relativement léger). Évidemment, il faut placer l'affût de telle sorte qu'on ait pas le soleil de face. Après, tout dépend aussi du moment de la journée auquel on compte faire les photos. Si besoin, on peut choisir un beau perchoir (pas trop clair) qu'on placera à un endroit stratégique. Si le perchoir est bien placé, le martin-pêcheur s'y arrêtera forcément. Un endroit stratégique ?? Et oui, un perchoir bien placé tient compte de (je vais me répéter) la distance affût-perchoir, la luminosité, la direction du soleil ... et autre point que je n'ai pas abordé, la distance entre perchoir et arrière-plan. En effet, plus le perchoir sera éloigné de l'arrière-plan, plus joli sera le bokeh (arrière-plan flou) sur la photo. Par ailleurs, il est important de penser à la couleur et à la "structure" de l'arrière-plan. Je m'explique : si l'arrière-plan à une couleur relativement unie, le bokeh sera plus harmonieux, moins fouilli. En effet, si on place par exemple un perchoir assez proche d'un arrière-plan aux contrastes variés (par exemple un roncier ou des branchages), alors le bokeh ne sera pas réussi et l'oiseau ne se détachera pas vraiment de l'arrière-plan : la photo sera moyenne. Plus que de longs discours, voir les photos ci-dessous.
Dernière chose importante concernant l'affût : il est important de le laisser sur place plusieurs jours avant la prise de vue pour que l'oiseau s'y habitue et n'y prête plus attention. En ce qui me concerne, mon filet de camouflage reste en place plusieurs mois. Plus l'affût sera en place depuis longtemps mieux ça sera. Mais on peut tout de même commencer à prendre quelques photos 2-3 jours après sa mise en place. Avec un bon affût, j'ai déjà réussi à observer plusieurs fois un martin-pêcheur à moins de 2 mètres (il s'est posé juste à côté de mon filet de camouflage, trop près pour le prendre en photo ... un comble ! ... mais un régal pour les yeux)
3-
La prise de vue : Le moment tant attendu est enfin arrivé. Le repérage a correctement été effectué, l'affût est en place, vous savez à quels moments de la journée l'oiseau fréquente les lieux et à quels moment de la journée la lumière est la meilleure. L'affût est en place depuis au moins quelques jours.
Il faut s'installer dans l'affût le plus discrètement possible, pendant l'absence de l'oiseau. Installer le trépied, placer l'objectif à travers le filet de camouflage sans trop le faire dépasser.
Côté vestimentaire, il faut bien entendu se fondre dans la nature en portant des vêtements camou. Penser au visage et aux mains qui sont facilement repérables pour les animaux. Bref tout dépend aussi de la qualité de votre affût.
Maintenant, il faut un peu de patience. Parfois, une heure passe sans qu'on ne voit ou n'entende le moindre martin-pêcheur ... d'autres fois encore, il joue avec nos nerfs : on l'entend régulièrement, on le voit passer devant l'affût sans s'arrêter ... et d'autres fois encore il ne faut même pas attendre 5 minutes avant qu'il ne daigne se présenter. Dans ces moments d'attente, faute de martins-pêcheur, on peut toujours entendre, observer, voire prendre en photo d'autres espèces (à plumes ou à poils) qui se présentent devant l'objectif. Personnellement, lors d'affûts au martin-pêcheur j'ai déjà pris en photo des pics, un geai des chênes, un épervier d'Europe, le rougegorge, le merle, ou encore des écureuils. C'est toujours des visites sympas. J'ai également une famille de troglodytes mignons qui est déjà passée à moins d'1 mètre de moi (dont un p'tit jeune qui est carrément venu se poser sur le filet de camouflage).
Mais si la préparation a été bonne, l'instant magique finit toujours pas arriver ! On entend au loin le cri du martin-pêcheur qui nous indique qu'il ne va pas tarder à passer dans le coin et qu'il faut se tenir prêt ! Parfois, quelques secondes plus tard, on le voit atterrir sur le perchoir qu'on lui a gentiment installé. Plus rarement (mais ça arrive), il vient se poser sans un bruit.
C'est alors qu'il faut garder son sang froid malgré le palpitant. Après plusieurs dizaines, plusieurs centaines de photos prises, j'ai toujours le cœur qui bat la chamade quand je vois ce bel oiseau à quelques mètres de moi. J'ai toujours l'impression d'être privilégier, d'être en symbiose avec la nature.
Lorsque l'oiseau se pose sur le perchoir, je conseille de ne pas déclencher de suite. C'est difficile de se retenir mais il est préférable d'attendre un peu que l'oiseau soit en confiance. Lorsqu'il se pose, il commence toujours par observer tout ce qui l'entoure. S'il entend ou voit quelque chose d’inhabituel, il risque de repartir aussitôt. C'est un petit moment où on peut profiter du spectacle qui s'offre à nous. Dès qu'on voit que le martin se détend, on peut commencer à déclencher ... en bannissant le mode rafale. Si l'affût est en place depuis longtemps et qu'on vient régulièrement le prendre en photo, on peut même déclencher dès l'arrivée de l'oiseau. Le martin-pêcheur est alors habitué à l'affût et au bruit du déclencheur.
Après avoir pris quelques photos, prenez le temps de regarder le résultat obtenu pour peaufinez le cadrage en évitant de centrer le sujet (cf. règle des tiers), testez différents réglages, ...etc. Il serait dommage de prendre 30 photos trop sombres ou floues alors qu'on avait tout le loisir de modifier les réglages.
4-
Régalez-vous avec vos photos ! Du déchet, il y en a toujours, surtout au début ! Mais petit à petit, on arrive à sortir de belles photos ... et on devient de plus en plus exigent !
Voilà. Désolé si j'ai été un peu long. Mais c'est un passionné qui parle. Le martin-pêcheur est sûrement un des sujets que j'ai le plus photographié ... et sans aucun doute celui pour lequel j'ai passé le plus d'heures en affût !
Pour terminer, 2 photos illustrant les différences de bokeh dont je parle plus haut :
Ici, la photo est très moyenne. Le perchoir n'est pas joli (trop fourni et trop clair), l'arrière-plan est trop présent car trop près du perchoir et trop contrasté (donc bokeh de mauvaise qualité) et le perchoir est trop loin de l'affût (donc qualité de photo moins bonne).Ici, la photo est bien plus réussie. Le perchoir est esthétique, l'oiseau est plus proche de l'affût ce qui permet de mieux faire ressortir les détails du plumage, et surtout, le bokeh est agréable car l'arrière-plan est éloigné de l'oiseau. Ainsi, le martin-pêcheur se détache bien plus de l'arrière-plan.Juste pour terminer sur cette histoire de bokeh (car c'est quand même primordial pour une bonne photo), il faut savoir qu'il dépend de 4 facteurs. Pour qu'un bokeh soit réussi, il faut que :
- le sujet photographié soit le plus éloigné possible de l'arrière-plan.
- la focale utilisée soit la plus longue possible (on aura plus facilement un joli bokeh avec un 500mm qu'avec un 200mm).
- l'ouverture du diaphragme doit être grande (on aura un meilleur bokeh si, à focale identique, on ouvre à f4 plutôt qu'à f8).
- la taille du capteur de l'appareil photo : plus le capteur est grand, plus le bokeh sera harmonieux. En d'autres termes, il est plus simple d'avoir un joli bokeh avec un réflex (d'autant plus s'il est en plein format plutôt qu'en APS-C) qu'avec un bridge ou un compact.
Encore désolé pour la longueur du message.
Lolo.